Elle en était à sa 4ème tentative; elle froissa cette nouvelle feuille et l'envoya valser sur le rebord de la poubelle vide... les autres boules de papiers se trouvaient par terre çà et là!
Elle n'était ni écrivain et journaliste, mais devait tout simplement faire le discours que prononcerait le directeur du CHS à l'occasion du 10ème anniversaire de la fédération! Elle n'était pas inspirée et le temps pressait. Elle pensa plagier l'un des anciens speechs dont d'aucuns se souviendraient mais elle y renonçait sous le poids de la culpabilité naissante!
Elle se leva, donna un coup de pied dans le tas de boules et alla allumer la télé, la plus petite illusion de compagnie lui suffirait. Un pot de glace dans la main gauche, une télécommande dans la droite, et ce fut la danse des channels, il était 3h du matin et il n'y avait plus grand chose à voir. Elle s'arrêta sur la chaîne animalière, ça parlait de la copulation des papillons...
Elle ne pouvait pas dormir, alors soit! L’inspiration ne venait pas à elle, elle la trouverait coûte que coûte ! Elle allait donc faire une petite balade nocturne ou diurne selon les perspectives de chacun! elle enfila son jean préféré (pour ne pas dire passe-partout) et un vieux T-shirt qui datait de ses années de lycée, elle l'aimait bien aussi et il était quand même bien conservé pour son âge. Elle pris congé de son petit chat qui ne quitterait pour rien au monde son nid douillet , il se contenta de la regarder d’un oeil distrait qui semblait vouloir dire « quelle inconsciente ! »
Il devait être un peu plus de 4h, les rues étaient désertiques. Le ciel était clair, d'un beau bleu nuit et par chance, on pouvait voir les étoiles très distinctement ! elle s’arrêta un instant au milieu d’une pelouse et s’y abandonna pour mieux voir le ciel étoilé. Elle s’amusa à retrouver les noms des constellations ... des noms qui n’appartenaient qu’à elle, des noms qu’elle leur avait données il y a quelques années quand elle campait avec son père qui tentait tant bien que mal de l’initier à l’astronomie. La voilà, la constellation du livre magique, ces quatre étoiles ; dont 3 presque alignées et la quatrième à égale distance des autres, il fallait bien l’imagination d’une petite fille pour y voir un livre se dit-elle ! elles réalisent difficilement l’aspect d’une page... et encore... une page estropiée !
elle n’allait pas passer le reste de la nuit sur cette pelouse, d’autant plus qu’un représentant de la loi commençait à la regardait de travers. Elle lui sourit en se levant, lui adressa un petit clin d’oeil une fois à sa hauteur et continua sa petite quête de l’inspiration.
Quelques centaines de mètres plus loin, elle ferait sa seconde halte, c’était un bâtiment assez vieillot, mais assez imposant... pour peu qu’on ne soit pas plus haut que 3 pommes... à cet âge, un rien nous émerveille ! elle sentit émerger en elle tout plein de souvenirs, des bons comme des mauvais... plutôt bons en majorité... un sentiment de bien-être absolu, d’insouciance... Ô nostalgie quand tu nous tiens ! elle s’apprêtait à quitter ce havre de souvenir quand le temps changea, la bise avait cédé la place à un vent qui devenait de plus en plus violent, les étoiles se cachaient derrières de sombres nuages, il n’allait pas tarder à pleuvoir et elle en était contente ! un bain de pluie ! exactement ce qui lui manquait ! un coup de tonnerre, et un autre s’ensuivit , elle adorait le contact de la pluie sur elle, les gouttes d’eau qui tombaient çà et là, effleurant son visage. Elle s’arrêta, leva la tête vers le ciel et ferma les yeux, elle se sentait tout d’un coup libérée comme jamais, libre de réaliser tous ses rêves (et elle en avait quelques uns !) et releva les bras à l’horizontale de part et autre , paumes vers le haut comme pour récolter le précieux liquide, et s’essuya ensuite le visage. C’était un des rituels qu’elle s’accordait quand il pleuvait de la sorte, elle aimait la pluie, et elle le lui rendait bien (elle savait qu’elle serait clouée au lit pendant une semaine... tant pis ), elle pouvait rester des heures ainsi tellement elle se sentait en symbiose avec son environnement, elle en oubliait qu’elle habitait une des villes les plus peuplées et polluantes du royaume, elle arrivait à sentir la terre fraîche et humide et c’était une délectation pour elle qui recherchait cette communion avec la nature.
Elle était toute trempée mais ne s’en souciait guère. Avec tout ce vent, elle finirait bien par sécher... d’ailleurs ce vent l’empêchait de rester là à contempler l’école où elle a passé ses premières années en société, et elle se laissa donc emporter vers sa prochaine escale.
L’orage n’était plus, le vent s’était calmé et la ville dormait toujours, elle ne s’était sans doute même pas aperçu du moment d’intimité qui venait d’avoir lieu. Moony se sentait déjà mieux, l’espèce de poids qu’elle avait sur le coeur s’était allégé, c’était bon signe car elle avait un sixième sens... et quand elle était dans cet état, c’est que quelque chose de grave allait se produire, elle se félicita que cette sensation soit en passe de se dissiper entièrement, elle inspira profondément et continua son chemin vers ce qui fut le point de rencontre de tous les jeunes à l’époque... et ça ne la rajeunissait pas tout ça ! le nombre de parties de flipper qu’elle avait perdues sur cette magnifique panthère noire, elle se demandait si les jeunes d’aujourd’hui s’amusaient encore à ce genre de passe-temps... bien qu’elle en doutait, encore un revers de la technologie... on oublie de se satisfaire des choses simples et chaleureuses !
Les premières lueurs du jour commençaient à poindre et notre solitaire décida de retourner au bercail ! il était temps, mais elle ne se pressa point, ne se sentant pas fatiguée cependant elle avait quand même un petit creux qu’il fallait combler de toute urgence. En passant devant la boulangerie du coin elle sentit le pain chaud, les croissants au beurre et autres viennoiseries qui lui mettaient l’eau à la bouche, mais il faudrait encore attendre l’heure de l’ouverture... elle se contenterait de quelques morceaux de brownies de la veille, du moins ceux qui avaient résisté à l’ouragan qu’il lui arrivait d’être quand elle n’avait pas sa dose de douceurs.
Elle rentra chez elle à 6h30, se réveilla en sursaut à 7. Elle n'avait toujours pas écrit une ligne... mais elle avait dans le cœur ce petit je ne sais quoi qui la mettait de bonne humeur ! il en faut peu pour se remettre sur les rails...